Déclaration de l’Assemblée Générale de l’Ordre des Avocats du Niger

Déclaration de l’Assemblée Générale de l’Ordre des Avocats du Niger

Mesdames et Messieurs,

Dans un point de presse animé le 8 Août 2025, le Ministre de la justice et des Droits de l’Homme a tenté de justifier les arrêtés illégaux en date de 7 aout 2025 portant dissolution des syndicats du secteur judiciaire.

Ces décisions ne comportent aucune motivation.

Par cet exercice empreint de condescendance, le Ministre de la justice visait à jeter à la vindicte populaire les acteurs judiciaires concernés dont il devrait être le premier garant ;

En effet, en plus d’expliquer sans pouvoir justifier les arrêtés de dissolution des syndicats du secteur judiciaire, il s’arroge la police du parquet gendarme en menaçant les responsables desdits syndicats de poursuite.

Par ces actes d’une gravité sans précédent, le Ministre de la justice assume avec gloire et éclat la compromission de la liberté syndicale, l’indépendance de la justice, la liberté d’expression et même le droit à la défense dans une certaine mesure.

Ainsi, le point de presse alarmant du Ministre de la justice ne peut que susciter la réaction du Barreau du Niger, gardien de l’indépendance de la justice et sentinelle traditionnelle des droits et libertés.

C’est pourquoi, réuni en Assemblée Générale extraordinaire ce Mardi 12 Aout 2025, l’Ordre des Avocats du Niger qui, depuis plusieurs mois alertait sur les dérives graves qui fragilisent notre système judiciaire et sapent les fondements mêmes de l’Etat de droit a revisité le tableau sombre des violations répétées des droits humains constamment décriées, notamment :

– Le refus d’assistance aux justiciables devant certaines instances ;

– Les Interpellations illégales et les détentions extrajudiciaires, dans les locaux de la DGDSE,

– La résistance et l’entrave à l’exécution de certaines décisions de justice ;

Ainsi, par ces actes, le pouvoir s’écarte des valeurs de l’État de droit et ravive les pratiques arbitraires d’un passé sombre que le peuple nigérien croyait à jamais révolu.

Pire, la répression s’exerce avec une sélectivité inquiétante lorsque le pouvoir se montre d’une célérité implacable pour dissoudre des organisations ou raser les habitations de citoyens vulnérables et dans le même temps affiche une lenteur coupable à sanctionner les crimes économiques les plus graves.

Par ailleurs, une sanction déguisée, totalement illégale en violation flagrante du principe d’inamovibilité a été prise ;

Curieusement, le Ministre de la Justice a tenté de justifier ladite décision alors même qu’il ne saurait ignorer en homme averti, que la critique contre une décision de justice ne se fait pas à travers les médias mais par l’exercice des voies de recours.

En plus, en prononçant la dissolution des syndicats du secteur de la justice, le pouvoir vise à réduire au silence ceux qui, par leur mission, garantissent l’indépendance de la justice et assurent le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire.

Cette décision, contraire à la Charte de la Refondation, aux Conventions 87 et 98 de l’OIT et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, marque un recul d’une gravité sans précédent ;

Au regard de tout ce qui précède, le Barreau, fidèle à sa vocation :

1. Dénonce avec fermeté les interpellations illégales, les détentions extrajudiciaires et autres pratiques arbitraires qui font peser une menace grave sur l’Etat de droit et la sécurité juridique et judiciaire au Niger.

2. Condamne toute forme d’ingérence politique dans l’administration de la justice, en particulier les mutations arbitraires visant à sanctionner les magistrats pour leurs décisions, actes qui portent atteinte à l’indépendance de la justice et à la séparation des pouvoirs.

3. Réclame le rétablissement immédiat et sans conditions des syndicats du secteur judiciaire dans l’intégralité de leurs droits, prérogatives et libertés syndicales, conformément aux engagements nationaux et internationaux souverainement souscrits par le Niger.

4. 4. Réaffirme avec force son engagement indéfectible à défendre, partout et en tout temps, les droits humains essentiels, garants d’une justice indépendante et équitable ainsi que d’un État de droit véritable et vivant.

5. Affirme sa solidarité totale avec toutes les victimes de ces atteintes, et se dit résolument prêt à s’engager pour la réhabilitation de leurs droits ;

6. Appelle à la cessation immédiate de toutes les violations des droits de citoyens et des libertés fondamentales ;

7. Rappelle au Ministre de la Justice que le dialogue social avec les acteurs du secteur judiciaire est la voie la plus indiquée pour résoudre les maux qui assaillent la justice nigérienne ;

8. Décide de poser la robe les Jeudi et Vendredi 14 et 15 Août 2025.

Fait à Niamey, le 12 août 2025.

Pour l’Assemblée Générale des Avocats

Le Bâtonnier

Maire Oumarou Sandra KADRI

Bâtonnier de l’ORDRE DES AVOCATS du Niger